Brusokas, le feu sous la glace

Amoureux du silence, Karolis Brusokas (28 ans, 2,01m) ne se sent jamais autant épanoui que dans la quiétude de la forêt lituanienne. Mais il faut toujours se méfier de l’eau qui dort… Sur le terrain, le pivot de Kaysersberg se bat comme si son existence en dépendait

Comme chacun le sait, la vie regorge de plaisirs simples. Karolis Brusokas, lui, affectionne par-dessus tout les petites escapades à la campagne, si possible « loin de Vilnius », sa ville natale. « J’aime partir en forêt avec mes amis pour une ou deux nuits, confie-t-il. On est au calme. On entend les oiseaux, les animaux… C’est incroyable. Je ne connais pas de meilleur moyen de se relaxer. »

À l’ombre des arbres, le Lituanien dévore régulièrement l’un ou l’autre livre. Il s’adonne également à la pêche, une activité dont il préfère profiter en dehors de la capitale, pour éviter la présence d’encombrants voisins. « Si tu veux attraper de gros poissons, c’est mieux de rester seul », sourit-il.

« Ils étaient tous plus grands et plus forts que moi. Je n’avais pas d’autre choix que de me battre »

Sur le parquet, en revanche, le pivot inverse son raisonnement. Lorsque le ballon traîne, il a plutôt tendance à se jeter dessus, peu importe le degré d’adversité. Ce goût du combat, le Balte l’a cultivé dès l’adolescence, au contact de son grand frère. « Au printemps et en été, quand il faisait beau, je jouais au basket avec lui le soir. D’autres jeunes nous rejoignaient. Ils étaient tous plus grands et plus forts que moi. Je n’avais pas d’autre choix que de me battre. Je voulais prouver que je pouvais rivaliser avec eux. »

Dans un pays où l’on voue un culte à la balle orange – Brusokas évoque lui-même une « seconde religion » –, le petit Karolis s’est vite retrouvé sous les paniers. À l’âge de six ans, très précisément. « Mes parents ont vu une annonce dans le journal, se souvient-il. Un coach cherchait des enfants pour ses entraînements. Ils lui ont téléphoné et j’ai commencé… »

Au fil du temps, le garçon se prend également de passion pour le handball, qu’il pratique « l’après-midi » dès sa sortie du collège. Son état de fraîcheur en pâtit, son implication lors des séances de basket aussi. « Après une demi-année, j’étais fatigué, raconte-t-il. Un jour, mon entraîneur m’a appelé et m’a dit : “Soit tu t’investis, soit je te mets à l’écart du groupe.” À partir de ce jour-là, j’ai arrêté le hand et j’ai définitivement choisi le basket. »

L’intérieur n’a pas eu à le regretter. À 28 ans, il réussit l’exploit d’être rémunéré dans un sport d’adresse… sans pour autant s’être doté d’une mécanique de tir fiable, aux lancers francs notamment. « Je ne suis pas un très bon shooteur », confesse-t-il.

« J’ai quelques faiblesses que j’essaye de compenser »

Cette lacune aurait pu le condamner à se chercher un autre métier. Mais il est parvenu à la faire oublier, en s’appuyant sur d’autres qualités essentielles : son énergie, sa vision du jeu, son sens du placement et de l’anticipation…

« J’ai quelques faiblesses que j’essaye de compenser en défendant dur et en prenant des rebonds, résume-t-il. Mon vis-à-vis peut être grand, massif ou même évoluer au poste de meneur, je m’en moque. Quel que soit son profil, je vais tout mettre en œuvre pour éviter qu’il ne me mette un panier facile sur la tête. »

Cette hargne a permis à Karolis Brusokas d’associer son nom à quelques belles épopées. Tout en haut de la liste, le pivot place sa dernière expérience en date, sous le maillot de Sakiai, en deuxième division lituanienne (8,8 points et 7 rebonds en 18,5 minutes par rencontre). « Nous avons tout de même atteint la finale du championnat », souffle-t-il.

« Mon agent m’a parlé de l’offre de Kaysersberg. Je suis immédiatement allé sur Google Maps… »

Nous sommes au printemps dernier. Le moment est intense, mais depuis quelque temps, l’esprit du guerrier balte vagabonde déjà un peu à travers la France. Tombé sous le charme de l’Hexagone après une saison 2017-2018 concluante à Cherbourg, en Nationale 2 (15,5 points de moyenne), l’intérieur n’a qu’une envie : y revenir.

Après avoir soumis l’idée à sa femme, il demande à son agent de sonder le marché, en N1 de préférence. « Je lui ai fait savoir que je m’en fichais du salaire ou de la région, précise-t-il. Je voulais seulement évoluer au plus haut niveau possible. Deux semaines après la fin de la saison, il m’a rappelé et m’a parlé de l’offre de Kaysersberg. Je suis immédiatement allé sur Google Maps pour voir où se situait la ville (sourire). Quand j’ai su que c’était un bel endroit, que le coach (Fabien Drago) parlait anglais et que le club avait la réputation d’être très amical, j’ai dit à mon agent : “Envoie-moi le contrat, je le signe tout de suite !” »

Pour la première fois, Karolis Brusokas a donc posé ses valises en Alsace. Après un mois et demi, l’aventure dépasse déjà ses espérances (lire ci-contre).

Sur le terrain, le Lituanien apporte peu ou prou ce que l’on attend de lui. La copie qu’il a rendue, samedi dernier lors de la défaite face à Pont-de-Chéruy (69-79), reflète quasi parfaitement ses atouts et ses failles (7 points à 3 sur 9 aux shoots, 1 sur 2 aux lancers francs, 11 rebonds, 4 passes décisives, 5 fautes provoquées et 16 d’évaluation). « Je fais de mon mieux pour montrer que je peux jouer en N1 », synthétise-t-il.

Parole de combattant.

Toujours privé de son meneur Rosaire Malonga (genou) et de son pivot David Acker (poignet), Kaysersberg devra également composer sans Amadou Diagne, ce vendredi sur le parquet de GET Vosges. Blessé à l’épaule samedi dernier face à Pont-de-Chéruy, l’ailier fort a passé une radio qui n’a révélé aucune fracture. Il doit désormais subir une IRM.

Source : DNA, Amaury Prieur / Photo : Vanessa Meyer

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