Daryl Nérée, l’homme qui veut influer

On peut débuter le basket sur le tard et en faire son métier. Daryl Nérée, le nouvel intérieur de Kaysersberg (23 ans), en est la preuve incarnée. Mais le Guadeloupéen a plusieurs cordes à son arc : à ses heures perdues, il s’improvise « influenceur sur les réseaux sociaux ». Rencontre.

Sa longue silhouette s’est affinée, durant le confinement. En grimpant sur la balance à la demande de son staff, l’autre jour à la salle Théo-Faller, Daryl Nérée a eu une belle surprise.

« Je suis passé de 116 à 105 kilos, jubile-t-il. Vu que je saute déjà haut avec des fesses énormes, je me dis que si je perds du poids, je serai encore plus efficace (sourire). »

« Toujours volontaire pour un “découpage de tête” »

En deux phrases, le nouvel intérieur de Kaysersberg vient de dévoiler l’un de ses atouts majeurs : la « détente », qu’il essaye d’utiliser « à bon escient » des deux côtés du parquet. Cela l’aidera peut-être à remplacer Amadou Diagne, l’ex-bondissant ailier fort du KABCA, dans le cœur des fans.

À l’image de son prédécesseur, non retenu à “KB” et parti au WOSB (N2) à l’intersaison, Daryl Nérée a un penchant affirmé pour le « show ». Mais cette caractéristique ne saurait résumer à elle seule l’ancien joueur de Dax. « Je me repose beaucoup sur mon shoot à mi-distance, développe-t-il. J’ai aussi une assez bonne vision du jeu. Et en défense, je n’ai pas peur d’aller en mission. Je suis toujours volontaire pour un ‘‘découpage de tête” (rires). »

Du haut de ses 23 printemps, le Guadeloupéen est heureux de prouver que l’on peut « commencer le basket très tard » et en vivre malgré tout. À 17 ans, il rejoint la MJCA des Abymes, un club de son île natale, pour imiter « tous [ses] potes » qui tâtent la balle orange depuis le « collège ». Il a alors tout à apprendre, et son passé de tennisman ne lui est d’aucun secours.

Mais le jeune homme assimile vite les fondamentaux de son nouveau sport et tape dans l’œil de quelques scouts, au bout de quelques mois de pratique à peine. Dans la foulée, il s’envole vers les États-Unis. « Je suis parti en camp d’été à Los Angeles et Las Vegas, raconte-t-il. J’ai été sélectionné pour entrer en high school (pour allier sport et études) , mais ça coûtait 20 000 euros le trimestre et aucun établissement ne pouvait prendre ma bourse en charge. Je n’ai pas pu rester, ma mère n’avait pas les moyens de financer ça. »

« Je fonctionne à l’émotion »

L’intérieur atterrit finalement à Fos-sur-Mer (Pro B), où il alterne « entraînements avec les pros » et matches de Nationale 3 avec la réserve. Il parfait sa formation sous le maillot des espoirs de Hyères-Toulon (6,8 points et 4,8 rebonds en 23 minutes), mais doit s’exiler à Saint-Quentin (N1) et Quimper (Pro B) pour obtenir des contrats dignes de ce nom, entre 2017 et 2019. « J’étais une simple rotation, je n’étais pas trop responsabilisé », avoue-t-il.

Sa quête de temps de jeu ne sera pas davantage assouvie, lors de la saison écoulée à Dax/Gamarde (4,4 points et 2,1 rebonds en dix minutes en N1). « De fait, je n’ai pas vu beaucoup de vidéos de lui, car il a relativement peu joué ces dernières années, précise Fabien Drago, l’entraîneur kaysersbergeois. Mais sur les quelques séquences que j’ai observées, j’ai pu constater qu’il avait la bonne attitude. C’est un garçon concerné par la défense, mais aussi un point de fixation, qui a la capacité à jouer dos au panier et va mobiliser l’attention dans la raquette. Il a un tir main gauche très dangereux. »

Fabien Drago n’étant pas habitué à dire ce qu’il ne pense pas, Daryl Nérée aura a priori l’occasion de s’exprimer, au relais de Melvyn Govindy et Sreten Cabarkapa, les deux titulaires annoncés dans la peinture. À Kaysersberg, il a « retrouvé cet esprit de famille » qui lui manquait à Dax.

« Je fonctionne à l’émotion, confie-t-il. J’ai besoin de sentir des gens derrière moi pour progresser. Ici, il y a une bonne atmosphère. Et j’aime l’idée de représenter un village, un club de petits guerriers face aux grandes villes. J’adore relever ce genre de défi. »

Des « fréquentations dans la téléréalité »

Arrivé seul en Alsace, le joueur aux dreadlocks se donne « le temps de découvrir » la région, en attendant la visite de sa maman en novembre. À ses heures perdues, il se reconvertit également en « influenceur », une activité consistant, entre autres, à promouvoir des produits sur les réseaux sociaux. « J’ai obtenu cette opportunité grâce à mes fréquentations dans la téléréalité, explique-t-il. J’ai notamment des amis qui participent à l’émission “Les princes de l’amour” sur W9. Des marques spécialisées dans la récupération sportive m’ont sollicité. Il m’est par exemple arrivé de faire la publicité de pistolets de massage. »

Daryl Nérée évoque une « petite passion », tout au plus. « Si ça s’arrête, je m’en fous. Ma priorité reste le basket. »

À ce sujet, le néo-Kaysersbergeois assure sans rire qu’il « vise la Pro A ». Même pas en rêve, répondront les persifleurs… Peut-être faut-il simplement prendre l’affirmation au second degré. Un brin offusqué qu’on doute de ses chances, l’intérieur riposte en reprenant à son compte la citation d’Oscar Wilde : « Il faut toujours viser la lune, car même en cas d’échec, on atterrit dans les étoiles. »

Source : DNA, Amaury Prieur / Photo : Hervé Kielwasser

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